mardi 18 mai 2010
LA FRACTURE NUMERIQUE
De gagnant à perdant, le Canada traîne désormais de la patte en matière de technologies de l'information et des communications. Et il n'est pas nécessaire d'attendre cinq minutes le téléchargement d'une page Web sur l'écran microscopique de son téléphone cellulaire pour s'en rendre compte.
Il y avait l'espoir, le rêve, parfois la peur ou la fierté. La mondialisation des activités humaines, cette idée de réduire les distances entre les pays pour faire avancer les affaires, l'art, la recherche scientifique ou le savoir, commence doucement au Canada à induire un nouveau sentiment chez ceux et celles qui s'y frottent: la gêne.
Demandez au directeur de la recherche à la Société des arts technologiques (SAT) de Montréal, René Barsalo, qui sillonne la planète pour y parler de spectacles multimédias en réseau, de télémédecine ou encore de diffusion de contenus vidéo sur un téléphone cellulaire. «Oui, ça devient gênant: désormais, quand on croise des partenaires éventuels en Europe ou en Asie, il faut leur expliquer qu'on ne pourra pas collaborer avec eux, lance-t-il. Pas qu'on ne veuille pas, mais parce qu'on n'a plus les capacités techniques au Canada pour le faire.»
Pour la productrice Josée Vallée, présidente de Cirrus communications, la firme qui a donné vie à la série Tout sur moi, la situation est plus que gênante, elle est surtout lourde de conséquences: après chaque journée de tournage, les épreuves — les rushs, quoi! — sont généralement gravées sur un DVD pour être visionnées le soir même par les producteurs. «Nous avions pensé nous équiper d'un système pour échanger ces rushs sur un réseau fermé, dit-elle, et ce, pour éviter de graver tout ça sur un DVD et épargner un envoi quand le tournage est loin de Montréal. Mais on a été obligés de reculer à cause du temps que cela aurait pris pour transférer ces données.»
«Les compagnies d'effets spéciaux de Montréal commencent aussi à avoir des problèmes, lance Réal Gauthier, de la boite Concept et Forme. À cause du piratage, les studios d'Hollywood n'acceptent plus que leur travail soit envoyé sur un disque dur par courrier terrestre. Ils veulent un transfert sur un réseau sécurisé. Or, avec le réseau actuel, une scène de trois minutes du dernier Batman, ça peut prendre deux jours à envoyer.»
Un grand bond en arrière
Autant d'exemples, autant d'affronts pour les adeptes des technologies de l'information et des communications — les «TIC», comme disent les experts — tout comme pour le propriétaire d'un cellulaire et son voisin, le simple abonné à Internet à haute vitesse. Après avoir bombé le torse, au milieu des années 1990 avec un réseau de transmission de données numériques à l'avant-garde et des branchements au Web dont la rapidité faisait brûler d'envie le reste de la planète, le Canada n'a désormais plus les moyens de plastronner.
Pour cause. Dans les dernières années, ces infrastructures servant à faire transiter les communications par téléphone cellulaire ou encore les courriels, les photos de famille ou le dernier épisode de cette série que l'on aime tant n'ont pas vraiment fait face à la musique du développement et de l'amélioration, qui pourtant s'est mise à jouer à tue-tête partout sur la planète. Avec à la clé un réseau qui, quoi qu'en disent les Bell, Vidéotron et Rogers de ce monde, approche désormais de l'obsolescence.
Pis, ce réseau est aussi passablement dispendieux pour les consommateurs et s'accompagne de limites qui pourraient porter préjudice au développement économique, social et même politique du pays, n'hésitent plus à clamer aujourd'hui plusieurs observateurs de la scène techno.
«On était au-dessus de la mêlée, dit M. Barsalo. Mais tout ça est fini.» «Nous sommes désormais en retard sur le reste de la planète, renchérit Patricia Tessier, vice-présidente du marketing chez Sun Media. Ce retard ne cesse même de s'accentuer parce que personne ne semble vraiment en prendre conscience.» Et pourtant...
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